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Les circonstances de la chute

 LES CIRCONSTANCES DE LA CHUTE

 Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre.

La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme,

et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux ../..

et Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres

../..

et il sépara les eaux qui sont au-dessous de l'étendue d'avec les eaux qui

sont au-dessus

../..

Soyez féconds, multipliez../.. Genèse I

 

La question qui a inspiré le titre de cet article est celle de la nécessaire "chute".

C'est vrai, nous parlons, épiloguons, spéculons sur cette fameuse chute depuis le jardin d'Eden, mais au fond pourquoi "doit-on" chuter, semble t-il, à tout prix ?!

Regardons donc, comme le propose le titre de ce travail, quelles sont les circonstances de la chute et voyons les pistes de réflexion que m’ont ouvert ces observations.

 

L'Eden : un jardin parfait (cit. Genèse)

 

Puis l'Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l'orient, et il y mit

l'Homme qu'il avait formé.

L'Éternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l'arbre de la vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal../..

L'Éternel Dieu donna cet ordre à l'Homme :

« Tu pourras manger de tous les arbres du jardin ; mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras. »

 

Expulsion... Il semble que ces êtres, ce couple, déjà créé, porte en lui, au moins dans une part de lui, les germes de la curiosité et du doute. Eve représente peut-être cette part obscure (?) qui demande la "compréhension ". Il y aurait, dans la perfection de ce jardin, l'impossibilité de "prendre avec", « tout » étant disponible dans sa totalité à tout moment...

 

Dans ce premier mouvement de la genèse, le dessin de « Dieu » n'est pas encore achevé : l'Eden et son couple n'est que la première étape du grand plan de la manifestation, déjà hors du chaos mais encore trop inerte puisque dans un environnement trop parfait, trop stable encore... Mais comme Dieu est un Malin ;), il a pensé au serpent qui va suggérer un possible non-encore existant, une vision plus détaillée, plus spécifique (on pourra ici se poser la question du comment le serpent fait-il ça ? D'où tire t-il le matériaux de ces suggestions ? Mais j'y reviendrai tout à l’heure). Et la solution semble être de multiplier les points de vue, et pour ce faire il faut multiplier les points d'observation donc les observateurs. C'est la "génération" via la fécondation qui vient après et par la séparation (yin/yang, masculin/féminin etc...).

 

Pour exister, il y a cette toute première nécessité d'être séparé (voir le discours d'Aristophane dans le Banquet de Platon). Et dans cette séparation il y a aussi le premier paradoxe : l'un a besoin du deux pour observer/ s'observer, mais dans cette dualité et dans le même temps la perte du un, du "sentiment" de l'unité.

 

Pour compléter ces éléments qui permettent de fabriquer les fameuses circonstances de la chute, je reviens vers notre serpent et ses capacités d'anticipation : il pourrait être une autre expression de l'Un : l'omniscience, encore suffisamment fondu dans l'universalité mais sans prise sur le monde puisque dépourvu de membres préhensiles. Peut-être le symbole, la matérialisation du verbe ? Celui là a déjà en tout cas ce qui fait encore défaut à l'homme : l'imagination ! Comment me direz-vous ? Mais peut-être parce-que la toute première étape de la création est le temps ! Ce temps qui fabrique des jours qui se succèdent, et un passé et un futur qui agitent le présent et permettent l'occurence de l'imagination (spéculation sur un futur ou un ailleurs qui nous permet d'avancer, de créer à notre tour...).

 

Le serpent serait donc une combinaison du Verbe et du Temps placé à propos dans ce merveilleux jardin pour donner un coup d'accélération dans une création encore trop inerte ??!

Puis vient rapidement l'idée de la punition, comme dans la genèse où apparaît la notion de péché qui provoque la chute. Mais je m'efforce ici de laisser de côté cet aspect moralisant pour ne garder que la trame d'un plan plus subtil dont cette notion de péché et de punition nous écarte en agissant comme un voile sur ce que j'aime a appeler une mécanique opérative ingénieuse.

(qui passe, j'en ai peur, par le renoncement à la possibilité de retrouver l'unité tant que nous sommes manifesté (notion du "moi"))

La chute dont il est question ici parlerai en fait de la manière de conserver le monde manifesté dont une des conditions première est le temps, et de fait l’impermanence.

Je m'explique : on a vu précédemment combien Dieu a travaillé et a usé de trésors d'ingéniosité pour mettre en route le monde manifesté, le grand œuvre de la créativité auto- générée grâce à la subtile association du temps et de l'espace dans l'élément Homme, un Homme imparfait qui a un commencement et une fin, une existence faite de cycles, de hauts et de bas...

 

C'est un chemin qui peut paraître bien frustrant pour les chercheurs de vérité qui pensent la trouver et perdent de vue que l'essentiel de la quête est dans le cheminement. Déambulations qui nous apportent le plaisir des rencontres imprévues et des détours surprenants.